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Art Eats Chinese
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9 mars 2009

profonde

La littérature chinoise est de la merde.
Un vieux monsieur de statut particulièrement respectable, Wolfgang Kubin, après mure réflexion et étude, arrive fatalement à cette conclusion. Si on y pense, au delà du bruit que cette déclaration a bien évidemment fait, l'oeuvre littéraire de ce pays n'a pas pondu grande chose de remarquable depuis longtemps, depuis Lu Xun plus exactement. A part la poésie, la nouvelle génération (et je parle bien de la nouvelle, et non les grands auteurs de l'époque où mes grands parents n'étaient pas encore nés) est faible et peu intéressante, contrairement aux bouquins japonais, très lus, très à la mode et parfois très bons). Cela n'empêche pas la Chine d'être prolifique (y-a-t-il encore des domaines où elle ne le serrait pas?). Ok, va pour la fnac. Voici, subjectivement, deux conseils de lecture pro et contra Kubin.

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Mo Yan (celui-là n'est en aucun cas de la merde), Les Treize Pas

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Trois choses à savoir : tout finit dans le sang, l'intrigue est basée sur des complications difficiles à relater (simulation de mort à la morgue pour dénoncer le statut des professeurs chinois, chantage venant d'un détenteur de lions issus d'un croisement improbable, son suicide par la suite à cause des braconniers modernes etc.), les femmes sauvent les protagonistes. Là on se prend non pas un coup de vieux féminisme dans la gueule, mais un éloge subtil envers le sexe faible qui fait avancer la société déchue de la nouvelle Chine. L'auteur, avec ce magnifique roman plein d'humour noir, prend la délicate position anarchiste (et donc forcément romantique). C'est du n'importe quoi et c'est génial.

extrait:

"Le mari d’une héroïne ne saurai mentir. Vérité d’acier à l’appui, il démontrait aux habitants de la ville un principe inébranlable : un héros a toujours été héroïque.

Si bien que lui aussi s’est transformé en héros. Il s’est mis à porter des uniformes tirés à quatre épingles, des souliers brillants comme la meilleure houille et à ganter ses mains d’un blanc tirant sur le bleu. Entre les universités, les usines, divers organismes et les écoles maternelles, il faisait la navette, rapportant à tous les faits et gestes exemplaires de son épouse, et ne cessant de s’améliorer. On en était au point où l’unité de travail qui ne l’aurait pas convié à venir donner une conférence se serait couverte de honte et attiré bien des ennuis. C’était pourtant la vérité : personne n’obligeait personne à l’inviter.

Debout dans le grand hall du “Joli Monde”, il s’est adressé à tout le personnel du funérarium. C’était déjà l’époque où il n’avait plus besoin que son cerveau dicte à ses lèvres, il disait ce qu’il avait à dire par la seule force de l’habitude. Quand il fallait pleurer, ses yeux se souvenaient de verser des larmes ; quand il fallait gémir, une plainte montait toute seule de sa gorge.

L’humanité a besoin de modèles à admirer : un pays sans héros n’est pas vraiment un pays, et les gens qui ne vénèrent pas les êtres d’exception ne sont pas tout à fait humains. Les employées des pompes funèbres étaient toutes en train de couver des yeux l’époux de l’ouvrière sacrifiée. Toutes, sauf Li Yuchan, qui, sous l’emprise de quelque force aussi irrépressible que le destin, ne voyait que le visage de la femme carbonisée. La salle sentait le cadavre grillé. Une odeur si puissante qu’elle vous aurait flanqué le vertige, tes oreilles sifflaient, ton ventre était gonflé de gaz, quand toutes ces petites filles se sont mises à pleurer, elles qui ne rêvaient que de combler le vide laissé par sa disparition, de se glisser sous sa couette et de s’imbiber contre le corps qu’elle avait enlacé d’un peu de son héroïsme... "

(De même auteur, on peut aussi relire Beaux Seins Belles Fesses, roman plus historique et encore plus drôle).

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Zhou Weihui, Shanghai Baby

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Le tapage médiatique autour de ce roman (censuré en Chine) n'en serrait pas un s'il aurait été écrit par une occidentale. Ce doux et agréable sentiment de dépaysement que l'on ressent à la lecture d'un livre étranger est indéniablement absent ici.

Weihui raconte l'histoire (qu'elle-même qualifie de légèrement autobiographique) d'une jeune chinoise surnommée Coco (en hommage à ... ), elle lit Sexus et veut donc devenir écrivain. L'héroïne relate la vie nocturne de Shanghai, son ménage à trois avec un Chinois et un Allemand, ses scènes de cul. Voilà cette révolution dont on nous parle donc, une femme qui écrit un livre érotique sur la vie d'une femme. Sauf que cet éveil chinois n'a pas d'intérêt. Cela va bien au delà de la banalité du sujet, de l'histoire, du personnage, du décor; on a soudain peur de ne découvrir plus rien mise à part les pâles copies de nos propres mauvais romans.

extrait:

"Le fait d'habiter Shanghai joue beaucoup. Une grisaille brumeuse, des rumeurs oppressantes ainsi que cet éternel sentiment de supériorité que nous cultivons planent continuellement sur la ville.

Nous avancons lentement vers le Bund.  Un vrai coin de paradis. Puis nous grimpons sur le toit de l'hôtel de la Paix... Du toit, nous contemplons les buildings illuminés sur les rives du Huangpu. La Perle de l'Orient, notre fierté appelée "la première tour d'Asie" et qui n'est autre qu'un long pénis d'acier pointé vers les cieux, une preuve évidente du culte que voue cette cité à la reproduction...

Les ferry-boats, les vaguelettes, les sombres pelouses, les néons aveuglants et les constructions mirobolantes. Tout un luxe ostentatoire issu de la civilisation matérielle, stimulant dont une ville se repait. Les individus, eux, ne sont pas concernés. Ils peuvent perdre la vie dans un accident de voiture ou à cause d'une sale maladie, l'ombre luxuriante et invincible de la ville resistera comme l'infinie circonvolution des planètes."

source images: www.amazon.com

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